La Grèce, sa littérature, les tragédies de Sophocle... Le Banquet de Platon étudié des heures durant avec une prof' de philo pyscho-(f)rigide. La Grèce, un souvenir de lycée douloureux... Bon sang, comment pouvait-on se laisser embarquer dans l'écoute d'un album intitulé "The Tragedy Of Nerak" ? Encore plus quand une bonne partie des titres sont écrits dans la langue de Socrate... Ben c'est bien simple, il fallait que cet album soit signé Akphaezya...
Oui parce qu'Akphaezya, moi, j'aime bien ça. Au delà du brillant slogan que je viens d'offrir au groupe pour leurs prochaines campagnes promotionnelles, c'est une vérité d'autant plus surprenante que les groupes, de metal, à vocalistes féminines, n'ont, à quelques rares exceptions, pas beaucoup de place sur mon étagère. La faute aux armadas de chanteuses-princesses toutes aussi clonées qu'horripilantes entourées de leurs mecs sapés comme des pitres et qui passent leur temps à parler de mièvreries qu'un homme, passé l'adolescence, ayant développé une pilosité faciale importante, symbole de la dureté de son âme, ne peut tout simplement pas tolérer.
Mais Akphaezya, ce n'est absolument pas ça. Fort heureusement. Non, il faut bien se dire qu'en France, il y a un petit vivier de groupes menés vocalement par des demoiselles qui s'éloigne des clichés qu'on leur attribue volontiers. Prenez Pin-Up Went Down, par exemple, qui sniffe du Mike Patton et mange du Carnival In Coal au petit-dèj... Bon, tout ça ne vous dit pas trop à quoi ressemble la musique de nos héros du jour. Et autant te le dire, décrire la musique du groupe n'est absolument pas chose aisée, pour la simple et bonne raison que le quatuor ose effrontément proposer quelque chose d'original, de rarement entendu et même se placer eux-même sous l'étiquette Avant-Garde metal, le genre de chose qui ne t'avance pas pour un drachme.
Découvrir un album
d'Akphaezya, c'est d'abord faire abstraction du nom du groupe,
clairement. Sans trop se tromper on pourrait rapprocher le nom du
groupe de l'aphasie. L'aphasie qui est (oui un sort dans Final
Fantasy on sait), un trouble du langage, une difficulté à trouver
ses mots, à s'exprimer, à comprendre, ou à se faire comprendre (Non Franck Ribery n'est pas atteint d'aphasie c'est différent). Or,
Akphaezya est loin d'avoir du mal à s'exprimer, ce serait plutôt
l'inverse, ça part dans tous les sens.
Des idées il y en a des
milliers et l'on passe les 51 minutes de ce "Anthology IV"
à voguer entre les genres, les émotions, sans jamais faire de
sur-place. C'est ce qui nous avait plu avec l'album précédent et
nous ravit tout autant sur ce nouvel album. On chevauche un beat
electro avant d'être cueilli par des parties de piano douces et
mélancoliques ("A Slow Vertigo"). On est remué par un
métal parfois faussement enfantin à la Stolen Babies ("Utopia") et
collé au siège par des riffs tout droit venus d'Opeth ("Hubris"),
surpris par les rythmes d'une musique orientalisée avant de fondre
face à un metal au forts accent jazzy ("Genesis"). On est
saisi par la beauté d'une simple ballade violons-guitare sèche
("Dystopia") avant de sombrer dans une folie Bunglienne sur "Nemesis".
Cet album, comme le précédent, est riche, incroyablement riche. Et bien évidemment, la musique de qualité est relevée par la voix tour à tour sublime, enfantine, mutine de Nehl Aëlin qui offre encore un peu plus de variété à ce disque qui est déjà tellement atypique.
Mais revenons en à un dernier point de comparaison, un peu moins évident cette fois. S'il y a bien un groupe qui me revient en tête à l'écoute d'Akphaezya, c'est (et osons la comparaison franco-française) Misanthrope. Alors d'un premier abord, cela peut paraître assez surprenant car en tant que tel les deux groupes n'ont pas grand chose en commun sauf, et il faut le souligner, l'impressionnante technicité des musiciens qui se fait pourtant si discrète. Pas de soli interminables ou autres prouesses tapageuses, non, mais une même façon de soigner les compositions, de faire sonner cette basse à la fois clinquante et pourtant fondue dans la masse, d'enchaîner les riffs efficaces et fichtrement bien trouvés. Bref, de faire simple tout en étant plutôt compliqué. Bon, pour être tout à fait honnête, cet album est de ce côté-là un poil moins bluffant que le précédent et cela constitue en fait le seul défaut que je retiendrais... Et puis à l'arrivée...
"The Tragedy Of Nerak" est une petite pièce d'une grande rareté et d'une étonnante beauté. Plus sombre, moins candide que son prédécesseur, il montre simplement qu'Akphaezya continue d'avancer tranquillement, proposant à ceux qui oseront sauter le pas, une petite heure de bonheur, ni plus ni moins.