Bienvenu dans le monde d'AKPHAEZYA. Ou plutôt devrais-je dire dans le monde d'Anthology puisqu'au delà d'un quelconque univers musical aussi riche et varié soit-il, le groupe orléanais a fait le pari audacieux, dès ses prémices, de développer sa musique autour d'un concept narrant l'épopée en cinq albums/chapitres d'un monde fictif du nom d'Anthology ; une contrée pas si fantasmagorique puisque largement inspirée par la mythologie grecque.
Faisant suite à l'excellent Anthology II sorti courant 2008, AKPHAEZYA nous propose aujourd'hui un saut dans le temps d'une centaine d'années pour cet « Anthology IV – The Tragedy of Nerak » (un titre qui laisse songeur quant aux compétences mathématique du groupe) un véritable opéra métallique en 4 actes se déroulant dans la ville de Nerak et narrant les émois d'un tragédie amoureuse au déroulé purement shakespearien un peu comme l'avait fait SYMBYOSIS en 2005 s'envolant avec son « On the winds of Phoenix ». Il semble plus que probable qu'au delà d'une démarche visant à proposer quelque chose d'original pour ne pas dire innovant, Anthology est le parfait prétexte pour développer un style couvrant un très large spectre musical. Et pour ce qui est de ratisser très très large, il faut bien reconnaître à AKPHAEZYA le mérite de ne connaître aucune limite de genres. Il va donc sans dire qu'un disque comme celui ci requiert un véritable amour de la musique sous toutes ses formes quelles qu’elles soient assorti d'ouverture d'esprit pas moins vaste.
Les lignes de cet article étaient déjà très clair dans mon esprit voilà déjà quelques semaines et pourtant... pourtant il n'était pas aisé de savoir par quel bout attaquer cette tranche de bravoure. Non pas qu' « Anthology IV » soit particulièrement difficile à appréhender dans sa globalité, non pas qu'il soit rebutant de s'envoyer d'une traite les quelques 51 minutes de ce disque. Non le problème principal qui s'est très rapidement posé avec l'idée de coucher par écris une chronique de ce disque c'était principalement la crainte d'en omettre des détails d'importances, d'oublier de souligner certaines nuances, certaines sensibilités, de ne pas transmettre à sa juste valeure la quintessence d'un disque qui s'annonce déjà comme un véritable tournant d'une carrière que l'on savait déjà fort prometteuse.
Alors je l'ai écouté ce disque, encore et encore ; le redécouvrant après quelques jours, savourant ses nuances, ses nombreuses sinuosités, l'achetant pour être certain que le contenant n'allait pas ternir le contenu. Ainsi donc la « gestation » prit du temps pour aboutir aux lignes que vous parcourez aujourd'hui.
Il aura donc fallu quatre ans de labeur pour qu'AKPHAESYA ne revienne à nos oreilles auréolé d'une jolie maturité pour un deuxième opus et franchement, je trouve cela relativement peu quant à la quantité de travail pharaonique qu'on devine derrière un album comme celui ci. Stephan « Zag-zero » H. et sa bande n'ont pas lésiné dans leur labeur ni dans les moyens qu'ils se sont donnés pour accouché d'une pareille œuvre. Car en ces terres d'Anthology, outre une histoire très sérieusement développée autour des dialogues des différents protagonistes de la pièce, tout semble avoir minutieusement dosé pour servir une musicalité à toute épreuve. Sur une base indéniablement métallique, le groupe orléanais se permet de tutoyer tous les genres avec la même aisance et la même réussite. Ici Musiques s'écrit non seulement avec un « M » majuscule mais également avec un « s ». Jazzy, tribal, flamenco, classique, thrash, latino, folk, ambiant, heavy, blues, rock, pop, indus, festif AKPHAEZYA nous fait voyager au cœur d'un véritable kaléidoscope d'accords mis au service d'une splendide musicalité qui voit des instruments comme le piano ou l'accordéon renforcer ceux qu'on retrouve habituellement dans le métal.
L'oeuvre est hypnotique, virevoltante, tantôt intimiste voir sombre, car n'oublions pas qu'il s'agit bien d'une tragédie, tantôt majestueuse et chargée d'envolées lyriques. On pense à des noms comme PIN-UP WENT DOWN, UNEXPECT, STOLEN BABIES, THE GATHERING et pourtant... pourtant ces comparaisons, aussi flatteuses soient-elles, semblent quelque peu réductrices. AKPHAEZYA n'entre pas dans les cases. Il les défonce.
Difficile de ne pas souligner le travail de fourmis de ces fous furieux qui sont allés jusqu'à traduire des bribes de textes en grec, jusqu'à façonner de nouvelles déités pour appuyer le côté mythologique d'Anthology (le monde, pas l'album, suivez un peu).
Difficile de ne pas se déverser en éloge sur le panel vocal d'une prodigieuse chanteuse comme Nehl Aëlin , véritable pendant féminin à Mike Patton additionné d'un zest de KATE BUSH , qui confère, par sa voix (ses voix?) et son piano, à « Anthology IV » une superbe sensibilité qui arrache encore des frissons après cinquante écoutes. Difficile enfin de ne pas plébisciter le joli boulot de Sylvain Biguet (TREPALIUM, KLONE) pour l'enregistrement et le mixage du disque ; un travail sublimé par le mastering de Brian Gardner (QUEEN OF THE STONE EDGE, LAMB OF GOD, SUICIDAL TENDENCIES, QUEEN et j'en passe) pour aboutir à une production plus chaude, plus organique. Oui AKPHEAZYA s'est donné les moyens de son ambition en faisant les choses en grand et cela s'en ressent.
Enfin difficile de ne pas s'attarder sur l'objet lui-même : un splendide boitier cartonné de grand format orné de fresques néo-mythologiques et agrémenté d'un livret très détaillé d'une douzaine de pages.
AKPHAEZYA pourrait tout à fait se prendre au sérieux avec un tel disque à son actif mais le groupe laisse fort intelligemment planer un certain second degrés salvateur quant à son inspiration un peu à l'image du clip d'animation de la chanson « Nemesis » que nous vous avions présenté dans les colonnes de VS voilà quelques semaines.
Je pourrais probablement me rependre en adjectifs pendant encore quelques paragraphes mais je continue à douter de ma réussite quant à vous dépeindre fidèlement les émotions qui me traversent lorsque ce disque tourne dans la même pièce que moi. J'espère simplement que vous aurez la curiosité d'y jeter une oreille (et pourquoi pas même les deux) en ayant soin de garder également l'esprit ouvert à 360°.
Un grand disque.
Rédigé par :
Tonton |
18/20